Hermès Dévoilé est, avec le texte de Cambriel, l'une des très peu nombreuses
oeuvres de Corpus Alchimique du XIXe siècle. Il a été maintes fois cité par les principaux
auteurs du siècle suivant qui le tenaient pour une oeuvre majeure.
Ayant passé 37 ans de mon existence à étudier les phénomènes de la nature, je crois
devoir publier une partie de mes découvertes ainsi que les peines et les malheurs que
j'ai éprouvés, dans les vues de servir d'exemple à la jeunesse, de prévenir la ruine des
honnêtes gens et de rendre service à l'humanité souffrante. Né d'une mère chérie et d'un
père respectable et très instruit, qui occupait une place très honorable dans la société;
étant seul de garçon mon père fut mon mentor et me donna une éducation soignée.
De bonne heure je devins le modèle de la jeunesse de ma ville par ma conduite, mon goût
pour les arts et les sciences et mon instruction. A peine avais-je 17 ans que je pouvais
vivre indépendant et du fruit de mes talents.
Mon père était en correspondance avec des savants dans le nombre desquels il y en avait
qui s'occupaient de la recherche de la pierre philosophale et de la science occulte des
choses. Leurs livres m'étaient tombés entre les mains.
J'en étais imbu, je me disais:
serait-il possible que des rois, des princes, des philosophes, des présidents de cour et
des religieux eussent pris plaisir à mentir et à induire en erreur leurs semblables ?
Non, c'est impossible, me répondais-je ; ce sont plutôt d'anciennes connaissances cachées
sous le langage des hiéroglyphes afin que le vulgaire en soit privé et qu'il n'y ait que
les élus qu'il plaît à Dieu d'initier qui puissent posséder ces connaissances surnaturelles.
J'étais naturellement bon et croyant ; ne connaissant pas les détours du coeur humain,
je crus à la sincérité de ces livres. Il me tardait d'être mon maître afin de me livrer à
ce genre d'études ; la vie à mes yeux n'avait plus de charmes qu'autant que l'on possédait
la santé et que l'on pouvait faire des heureux sans qu'ils puissent parler de nous.
La connaissance de la pierre philosophale remplissait ce but: elle devint alors le sujet
de mes veilles et de mes moments de loisir ; mon ambition se portait aussi à acquérir la
certitude de l'existence et de l'immortalité de l'âme.
Telles étaient les connaissances que je désirais acquérir aux dépens même de mon existence.
Source : Hermès dévoilé