François Marie Paul Georges Jollivet-Castelot naît dans une famille bourgeoise.
Son père François Marie Antoine Jollivet-Castelot, né le 29 juillet 1840, à Vannes, meurt le 9 février
1880, à Hyères, à 39 ans, après avoir été vice-consul à Beyrouth puis à Liverpool ; il est l'auteur
de Trois semaines en Palestine paru en 18781. Sa mère Clémentine Marie Pauline Jodocius est née, le 13
juillet 1846, à Douai où elle meurt en 1921. Son grand-père François-Marie Jollivet-Castelot, né en 1821,
a été maire de Vannes en 1852, et député de la majorité dynastique au Corps législatif, de 1852 à 1854,
date de sa mort.
Proche du courant fin de siècle rosicrucien, François Jollivet-Castelot, créateur et président de la Société
alchimique de France[réf. nécessaire], fonde et dirige les revues L'Hyperchimie (d'août 1896 à avril 1900)
qui devient L'Hyperchimie - Rosa Alchemica, Rosa Alchemica, Les Nouveaux Horizons de la science et de la
pensée et enfin La Rose+Croix, jusqu'à sa mort en 1937. Il participe aux revues martinistes L'Initiation,
Le Voile d'Isis, et fréquente les milieux occultistes parisiens de la Belle Époque, se lie à Papus, Stanislas
de Guaita, Alexandre Saint-Yves d'Alveydre. Il échange une correspondance avec l'écrivain suédois August
Strindberg qui devient son disciple, lors de son séjour à Paris en 1895. Ces lettres seront éditées en 1912,
sous le titre de Bréviaire alchimique.
En 1904, dans sa revue Horizons de la science et de la pensée, il développe ses idées de « socialisme rationnel »,
sorte de christianisme libéral.
En 1920 il fait paraître Le Destin, ou les Fils d'Hermès, roman ésotérique, un récit autobiographique où, à
l'aune des dévastations de la Grande Guerre, il fait le point sur son cheminement intérieur, sur ses recherches
ésotériques, ses engagements et ses rencontres avec les personnalités occultisantes de son époque.
Très influencé par l'œuvre de Charles Fourier, François Jollivet-Castelot adhère en 1920, après le Congrès de
Tours, à la Section française de l'Internationale communiste (SFIC), et publie plusieurs fascicules engagés comme
L’Idée communiste en 1922, Le Communisme spiritualiste en 1925, Jésus et le Communisme en 1926, exprimant sa foi
dans un idéal de communisme spiritualiste. Ce spiritualisme et ses idées anarchisantes le font exclure du SFIC.
Après l'incendie, en 1924, de son hôtel particulier de la rue Saint-Jean à Douai, quoique son laboratoire d'alchimiste
ait été épargné, il s'installe à Sin-le-Noble puis à Clairac dans le Lot-et-Garonne.
En décembre 1925, François Jollivet-Castelot affirme être parvenu à fabriquer de l'or à partir de l'argent. Il a toujours
demandé que ses travaux soient vérifiés par les plus hautes instances scientifiques de l'époque. Mais, malgré son amitié
avec Marcellin Berthelot, il s'est toujours heurté à leur refus.
En 1937, il trouve la mort dans un accident de voiture, il est inhumé à Douai dans le caveau familial.
Son père, qu’il perd à l’âge de six ans, diplomate et auteur d’un journal de Terre sainte, est issu d’une grande famille
du Morbihan, sa mère est une catholique pieuse. Il se passionne dès l’adolescence pour l’astronomie popularisée par Camille
Flammarion (1842-1925), les antiquités, l’hermétisme et tout particulièrement l’alchimie. Il lit aussi des philosophes
(notamment Spinoza). A l’âge de vingt ans il publie La Vie et l’Ame de la Matière et fonde bientôt la revue L’Hyperchimie :
« La Matière est une. Il n’y a pas de corps simples. La Matière vit ; elle évolue » (n°1, août 1896). La voie du Grand-Oeuvre
avait déjà été rénovée par Albert Poisson (1868-1893), auquel il rend hommage. Jollivet Castelot correspond avec l’occultiste
Paul Sédir (Yvon Le Loup, 1871-1926), alors collaborateur de La Revue blanche (qui fait de la publicité pour L’Hyperchimie en
1896 et 1897), et des revues occultistes L’Initiation et Le Voile d’Isis ; la Société Alchimique de France est créée en 1896.
Il fréquente - tout en restant ancré à Douai, où il a son laboratoire - le tout-Paris occultiste : Sédir, Papus (Gérard Encausse
1865-1916), Charles Barlet (Albert Faucheux 1838-1909). Il est initié dans l’Ordre Martiniste, et devient un acteur de la mouvance
rosicrucienne. Il se lie également avec August Strindberg (1849-1912), lui aussi versé en alchimie, qui participe à L’Hyperchimie
après lui avoir écrit dès la sortie de son premier ouvrage : « Je ne suis donc pas seul dans cette folie, qui m’a coûté mon
bonheur de famille, ma bienséance, tout » [1]. L’Hyperchimie prend en 1902 le titre de Rosa Alchemica devenue en 1904 Les Nouveaux
horizons de la science et de la pensée, et La Rose+Croix à partir de 1920. En 1897 et 1898 Jollivet Castelot enseigne l’alchimie
et la médecine spagyrique à la Faculté des Sciences Hermétiques de Papus, pôle d’un mouvement occultiste en plein vogue. Il s’éloigne
cependant de ce milieu en 1904, peu convaincu par les « cléricaux de l’occultisme et du spiritisme » (La Tradition occulte, p. 160)
auxquels il oppose un hermétisme "scientifique".
Jollivet Castelot se rapproche dans sa jeunesse d’idées socialistes voire anarchisantes, tout en défendant un temps un monarchisme
libéral. En 1896, Les Temps nouveaux est adressé à L’Hyperchimie, comme Le Devoir (notons que Strindberg avait visité Guise en 1885
[2]), ou La Paix universelle spirite. Il a des positions pacifistes et antimilitaristes : marqué par le « cataclysme » de 1914-1918,
il s’élève contre « la chasse à l’homme obligatoire qui couche par terre périodiquement des centaines de milliers de jeunes gens »
(Le Destin ou les Fils d’Hermès, p.476-477). Il milite dans les années 1920 au Parti communiste, avant d’en être écarté et de fonder
sa propre organisation, l’Union communiste spiritualiste, en 1928. Le Maitron, où il figure, fait part de cette dimension spiritualiste
qu’il aurait cherchée à insuffler dans son militantisme à Sin-le-Noble (Nord) [3]. L’Humanité du 23 mai 1926 met en garde contre ses
brochures « que les camarades doivent s’abstenir d’acheter » [4]. Il reste cependant sur des positions humanistes : « Jusqu’à la fin
de sa vie, Jollivet Castelot ne cesse dans sa revue de combattre le fascisme et le nazisme (...) » [5].
A-t-il lu tôt Fourier ? son premier ouvrage alchimique invoque déjà la loi - récurrente dans son œuvre - d’attraction qui serait
commune aux astres, aux atomes, et aux humains : « L’Attraction ! C’est l’Energie universelle ! C’est elle qui soutient et guide les
mondes, les soleils immenses (...). C’est elle qui personnifie, qui constitue : l’Amour ! Amour, attraction des âmes... Attraction,
amour des corps... Attraction et Amour, c’est tout un » (La Vie et l’Ame de la Matière, p. 36-37). Dans son roman autobiographique Le
Destin ou les fils d’Hermès (1920), le héros fait par ailleurs de la propagande fouriériste dans les cercles monarchistes libéraux du
Nord (p. 246) et est crédité d’une « vue aromale » quand il se livre à des passes magnétiques sur une compagne (p. 387). Mais il publie
surtout en 1908, en rassemblant des articles parus à partir de 1906 dans sa revue, Sociologie et Fouriérisme (libraire-éditeur H. Daragon,
Paris, 231 p.), exposé assez détaillé de la doctrine sociétaire qu’il relie à la fois au mouvement occultiste, dans une conception
moniste de la nature dont il voit Fourier en précurseur, et au mouvement socialiste [6].
Jollivet Castelot - le fait est notable, quarante
ans avant l’Ode à Charles Fourier d’André Breton - est sans doute l’un des premiers à exposer sans détours, et en l’approuvant contre
l’hypocrisie de l’institution du mariage, la théorie de Fourier en matière amoureuse ; cet aspect n’est par exemple pas absent de
l’avant-dernier chapitre de l’étude, qui se présente comme une nouvelle d’anticipation : « Distribution d’une journée harmonienne aux
environs de l’an 2000 ». Il y insiste dès la préface : « Ce ne serait point la licence, la débauche (...), mais la liberté ».
Par ailleurs,
il adhère en grande partie à la cosmogonie de Fourier (succession des existences à travers les globes dont elles sont des émanations,
hypothèse des « utra-mondains », ces « indigènes de l’autre monde » (p. 107), principe de l’Ether ou du monde aromal comme état subtil
de la matière) qui lui paraît conforter ses propres positions hermétistes, dans un souci de vision unitaire et évolutive de l’homme, de
la nature et de l’univers : il relie, ainsi, les périodes de « vibrations ascendante » ou « descendante » de l’univers aux kalpas de la
pensée indienne (p. 102). Par ces deux dimensions (la théorie sexuelle, la cosmogonie) la lecture de Fourier par Jollivet Castelot
apparaît dans un certaine mesure en rupture avec l’approche du maître au long du XIXe siècle (et, pour le second point, reste très
singulière aujourd’hui encore). Sociologie et Fouriérisme est recensé, notamment, dans Les Hommes du jour en octobre 1908.
L’étude est également mentionnée dans le milieu fouriériste organisé puisqu’Adolphe Alhaiza (1839-1922) écrit en juillet-août 1908 dans La Rénovation :
"L’œuvre de M. Jollivet Castelot est la plus éclairée et judicieuse critique de la doctrine fouriériste qui ait été faite en notre temps.
Nous engageons vivement nos condisciples et amis à lire cet excellent ouvrage." La Synthèse de l’or est encore mentionnée dans La Rénovation
en 1909. Mais Jollivet Castelot n’a jamais publié dans la presse fouriériste ni participé aux banquets du 7 avril et paraît donc avoir été
extérieur au milieu sociétaire de son temps [7].
Il est également partie prenante de la scène littéraire de la Belle Epoque : en 1899, il remplace Jacques Brieu (le chroniqueur occultiste du
Mercure de France, et lui-même collaborateur de L’Hyperchimie) à La Plume (1899-1900) ; l’année suivante, il passe aux Partisans avec Paul-Redonnel.
Avec ce dernier et Paul Ferniot, il dirige le « beau livre » Les Sciences maudites à la Maison d’art en 1900 (collaborations de Victor-Emile Michelet
(1861-1938), Barlet, Sédir, etc., aquarelles de Léon Galand). Il collabore enfin au Voile d’Isis, dont Paul-Redonnel s’occupe dans les années 1920
avant que René Guénon (1886-1951) n’en prenne la direction doctrinale, lui donnant une orientation distincte. Il a été préfacé par le penseur
individualiste libertaire Han Ryner (1861-1938), lui aussi collaborateur de ces différentes revues [8].
Jollivet Castelot publie de nombreux ouvrages
et brochures alchimiques, pour certains traduits dès le début du XXe siècle dans plusieurs langues, ainsi que des romans ou essais exposant ses idées
sociales et sur l’ésotérisme. Citons Nouveaux évangiles (1905), dont le héros, nouveau messie venu de Bénarès pour enseigner à la fois l’unité de la
matière, le socialisme (« je flétris l’organisation de la société présente, rongée, pourrie, ignoble ») et l’amour, a la confiance des exploités mais
se fait abattre par la police : « Canaille ! Tu insultes l’Armée et prêches la Révolte ! » ; Le livre du Trépas et de la Renaissance (1905), ou Le
Communisme spiritualiste (1925).
Sa revue défend, notamment, l’idée européenne et, au-delà, celle d’une « Confédération des Etats-Unis du monde » (avant-propos à Jésus et le Communisme,
1926). Il figure, enfin, dans les marges spiritualistes de la libre pensée ; il participe ainsi - comme le magnétiseur Henri Durville (1887-1963),
qui l’a édité, ou le métapsychiste Eugène Osty (1874-1938) -, à l’enquête du libre penseur André Lorulot (1885-1963) sur les miracles [9], défendant
l’idée d’un égrégore, concentration de forces, en vertu d’une conception anti-surnaturaliste défendue par certains occultistes.